Jimmy P. et son French doctor

Les rapports entre psychanalyse et cinéma sont nombreux, de La Maison du docteur Edwardes d’Alfred Hitchcock au très récent – et réussi – Happiness Therapy en passant par les plus confidentiels, mais non moins excellents, Fragments d’Antonin. En ce sens, Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) s’inscrit dans une longue tradition. Mais, là où la dernière réalisation d’Arnaud Desplechin se distingue, et ressemble probablement plus au récent Hannah Arendt de Margarethe Von Trotta qu’à un film tel que le classique Birdy d’Allan Parker, c’est que le propos se focalise moins sur la folie que sur la cure et, plus précisément, sur une avancée décisive en matière d’analyse. En d’autres termes, le personnage central est moins le patient que le soignant qui, grâce à (ou avec ?) son patient, parvient à une avancée théorique décisive.

C’est donc d’un biopic qu’il s’agit ici. Le film retrace en effet la cure suivie par un amérindien dans un hôpital de l’armée américaine aux côtés d’un anthropologue fantasque et désargenté, le français d’origine roumaine Georges Devereux. Des débuts de la prise en charge à la rémission totale du patient, Arnaud Desplechin suit avec talent les progrès de cette thérapie, livrant une œuvre de belle facture, plaisante à regarder.

Le film est en effet visuellement splendide. Les décors sont très beaux et les plaines du middle west américain sont merveilleusement bien filmées. Certains plans sont ainsi dignes des plus beaux westerns. Les troubles pyschologiques du patient sont également traités de manière très intéressante, de façon à la fois explicite et poétique sans jamais tomber dans les travers d’un onirisme excessif toujours pesant.

On se doit également de dire quelques mots de la performance sensationnelle délivrée par les acteurs. Benicio del Toro livre ici une composition magnifique, toute en intensité et sobriété, et incarne parfaitement Jimmy Picard. Si Mathieu Amalric a une partition sans doute sensiblement plus aisée en interprétant le rôle de Georges Devereux, il convient de reconnaître que celui-ci s’en sort avec brio.

Pourtant, malgré une photographie irréprochable, des acteurs de talent et un scénario bien construit, ce Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines) ne parvient pas à nous convaincre totalement. En effet, sans prétendre être spécialiste du sujet, il nous semble que l’un des intérêts épistémologiques de la cure de ce James Picard – il s’agit d’un pseudonyme inventé par Devereux pour protéger l’anonymat de son patient – est la prise en compte par le soignant de l’environnement culturel du malade. Ce faisant, on entre non seulement, dans le cas présent, dans la culture indienne mais on découvre un certain nombre de stéréotypes sociaux attachés à la minorité considérée1. Or il apparait que ce qui est alors une réelle nouveauté méthodologique n’est pas assez mis en avant par le cinéaste, sans doute trop préoccupé à se focaliser sur le huis-clos de la cure. Mais il n’en demeure pas moins qu’on ne peut que conseiller ce film qui, par bien des égards, est une véritable réussite.

Erwan LE GALL

 

1 Pour une approche pendant la Première Guerre mondiale on renverra à la passionnante communication d’Emmanuelle Cronier dans Petites patries dans la Grande Guerre.